La couleur du Vin

La dégustation de vin, traditionnellement, est composée de trois phases qui font appel à des sens bien différents : la vue, l’ouïe et le goût. Ici, c’est la vue qui nous intéresse. Elle nous permet d’avoir un avant- goût de ce qu’il y a dans le verre mais cela peut aussi biaiser notre dégustation en influençant directement nos autres sens.

La culture européenne a toujours été particulièrement influencée par le sens de la vue bien plus que par ses autres sens. L’exemple typique est celui du test de la rose. L’exercice est simple : citez moi toutes les couleurs de pétales que l’on peut avoir sur une rose… Et faites le même exercice pour les odeurs. Vous devinerez bien vite qu’il existe pléthore de couleurs différentes… mais pour ce qui est des odeurs, les mots ne viennent pas aussi facilement.  Cette profusion de termes pour définir ce que l’on voit n’est pas le fruit du hasard, elle nous montre l’importance que nous accordons à ce que l’on observe.

Pour le vin, nous avons tous des préférences de couleur et ces préférences vont indéniablement valoriser ou dégrader un vin avant même de l’avoir goûté. Cet aspect m’a toujours chagriné car elle peut décoter le travail d’un viticulteur d’un simple coup d’oeil. 

Dans cet article, nous allons essayer de comprendre comment fonctionne la couleur, comment elle arrive et comment elle évolue dans notre chère boisson nationale.

La couleur et le raisin

Comme pour tous les fruits et légumes, le raisin n’a pas sa couleur finale dès sa formation. Celle-ci va venir au cour d’un processus que l’on appelle la véraison, étape qui arrive aux alentours du mois d’août en France. La raison de ce changement de couleur est tout simplement dû à la création (ou synthèse) d’un pigment que l’on appelle « anthocyane ». 

Cette pigmentation va évoluer au fur et à mesure du temps jusqu’aux vendanges. Elle va aussi dépendre de bien d’autres facteurs. C’est ce pigment qui va nous interesser tout au long de la vie de la vigne et, bien sûr, du vin. Ces anthocyanes ne sont pas uniquement décoratives et sont bien utiles pour beaucoup de plantes.

Les anthocyanes dans le raisin se concentrent, à l’exception des cépages teinturiers, uniquement dans la pellicule (la peau). Au moment des vendanges, les raisins, une fois ramassés, vont être foulés (écrasés) et le moût (jus de raisin) va rentrer en contact avec la pellicule du raisin. C’est à ce moment-là que la magie opère !

L’anthocyane va passer de la pellicule au jus par infusion, tout simplement, comme le sachet de thé dans l’eau chaude. Et comme le sachet de thé, plus longtemps les pellicules restent dans le moût, plus le futur vin sera foncé… La température va aussi être un facteur primordial pour le passage de couleur : la chaleur va accélérer grandement le processus… comme le thé…

Le principe est là ! Mais son adaptation et son utilisation va être totalement différente pour le viticulteur selon le vin désiré. Voici 3 liens correspondant à la façon de faire les 3 grands types de vin :

la couleur pour le vin rouge

La couleur pour le vin rosé

La couleur pour le vin blanc

La couleur et le vin

Couleur et pH du vin

Pour commencer, il faut avoir quelques explications : les anthocyanes sont des pigments qui changent de couleur selon…. le pH du vin (en résumé, de son acidité). Plus il est bas, plus le vin est acide. Il se trouve que le vin est une boisson avec un pH situé entre 3 et 4. Plus le pH est proche de 4, plus l’anthocyane tirera sur le bleu/violet. Au contraire, se rapprocher de 3 donnera des vins avec des teintes rouges. Ce détail est assez subtil mais va participer à la couleur globale du vin.

Couleur et vieillissement

Les anthocyanes sont aussi très sensibles à un élément malheureusement omniprésent dans l’atmosphère : l’oxygène. Et quand on parle de vieillissement en matière de vin, l’oxygène est TOUJOURS présent. C’est donc cet oxygène qui va faire varier la couleur du vin avec le vieillissement. 

Evolution de la couleur des vins rouges

Les vins rouges jeunes vont avoir une couleur (teinte) violette et intense, profonde, opaque. En vieillissant, il va passer du violet au rouge/orangé et l’intensité de sa robe va décroître, gagner en transparence et en clarté. 

Evolution de la couleur des vins jaunes

Les vins blancs jeunes vont être très limpides avec une couleur jaune peu soutenue et des reflets verts. En vieillissant, le vin va foncer, avec une robe plus profonde, beaucoup moins transparente et un jaune qui va tourner sur le doré et sur l’ambré, gagnant en touche de marron.

PS : L’oxygène est omniprésent dans le monde du vin et va l’impacter aussi bien pour les arômes et l’intensité du nez que pour la bouche et la sensation des tanins. En comprenant comment se comporte l’oxygène dans le vin, vous comprendrez 90% de celui-ci. Pour avoir plus d’informations sur ce fameux oxygène, molécule fantastique et ambivalente pouvant transformer un vin plat en bombe aromatique ou nos plus grands crus en vinaigre, vous pouvez consulter cet article :

le vin, l'oxygène et l'aération.

La couleur du vin et la dégustation

Comme décrit plus haut, la couleur du vin est donc le fruit de plusieurs facteurs différents. On peut voir déjà que la vigne apporte son grain de sel avec le type de cépage (plus ou moins coloré) et le millésime (plus ou moins ensoleillé, plus ou moins rude). Vient ensuite la façon dont le jus de raisin a été transformé en vin, avec des procédés comme les macérations et les températures utilisées. Enfin, l’élevage et le vieillissement vont aussi faire varier cette coloration.

Ces nombreux facteurs rendent la lecture de la robe très difficile à interpréter quand le vin est dans le verre. Quand nous pensons « dégustation », nous avons souvent tous en tête la scène de « l’Aile ou la Cuisse » lorsque Louis de Funès arrive à décrire un vin avec précision alors qu’il souffre d’agueusie. La vérité est malheureusement (ou heureusement) beaucoup plus compliquée. En effet, la multitude de facteurs influençant la couleur est telle qu’il est pratiquement impossible de savoir qui influe sur quoi et donc en déduire des informations aussi précises sur l’origine du vin.

Les conseils dégustation:

Bien que la lecture et le décryptage de la robe soient ardus, je peux vous donner quelques conseils de reconnaissance qui sont, parmi ce « mélimelo d’informations », plutôt fiables :

– Le cépage : les cépages claires et peu colorés ne pourront jamais donner des vins avec une couleur très profonde. Si le vin a une couleur légère, on peut donc en déduire que le cépage est de type pinot noir, gamay, grolleau,… À l’inverse, un vin très foncé sera sûrement un vin venant du sud avec des cépages plus coloré, plus adapté au climat.

– Le vieillissement : le côté tuilé (orangé rougeâtre) et clair des vieux vins rouges est un signe de vieillissement qui ne peut pas être confondu, car seul l’oxygène peut donner cet aspect au liquide. Pour les vins blancs, le même constat peut être fait : cette couleur dorée/ambrée n’arrive qu’avec des vins qui ont du vécu et qui ont « vu de l’oxygène ». Un vieillissement prématuré peu aussi provenir de mauvaises conditions de stockage. 

Conserver son vin dans de bonne condition